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La première fois qu'il a rejoint Salvador de Bahia à 250 km du petit village d'Alagoinhas, avec dix autres tandems, tous guidés par un sourd et un aveugle, Gérard Muller s'est dit qu'il était fou. Mais il a gagné son pari, bien au-delà de ses espérances. L'ambiance, la chaleur brésilienne, l'enthousiasme de ces jeunes handicapés, défavorisés, qui n'étaient jamais sortis de leur village, l'osmose entre les participants, les rencontres sur le chemin : ces six jours de voyage ont été à la hauteur du challenge, enthousiasmants et bouleversants. Du coup, l'année suivante, l'équipe a remis ça. Mais cette fois, Gérard Muller, son coéquipier, un autre tandem et une voiture-balai, relèvent le défi d'aller jusqu'à Rio de Janeiro, à 1 500 km d'Alagoinhas. Objectif : atteindre la cité merveilleuse le 22 octobre pour le début d'un congrès international sur les maladies rétiniennes. Car au-delà de l'aventure humaine et sportive, Gérard Muller, atteint d'une rétinite pigmentaire, met à contribution ses connaissances pratiques pour soutenir la Fondation Do Caminho, qui a créé l'école ECAI dans une favela d'Alagoinhas. Une école pas comme les autres, où 350 élèves - dont 80 sourds, 40 aveugles, trois enfants à la fois sourds et aveugles, et 25 ayant de graves problèmes sociaux - cohabitent et surtout... communiquent.

Apporter son savoir-faire

Une vraie leçon de vie pour le pharmacien : « En France, le handicap est "ghettoïsé", 90 % des aveugles ne sortent pas de chez eux car la société ne les connaît pas et ne sait pas comment se comporter avec eux, regrette-t-il. Là-bas, tout le monde connaît le langage des signes, quand je suis perdu, ils viennent spontanément m'aider, j'ai eu envie de leur apporter mon savoir-faire ».
Formé au centre de basse-vision de Nîmes pour avoir une vie la plus autonome possible, Gérard Muller sait qu'en France, il ne peut transmettre ses connaissances sans avoir de diplôme. Au Brésil, tous ses trucs - pour se déplacer, utiliser sa canne, lire le braille, se débrouiller au quotidien - il peut les partager avec les enfants. Il aide alors l'association « Brincadeira » à créer un centre de basse-vision en formant élèves et professeurs au Braille, aux techniques d'apprentissage de mobilité et d'autonomie dans la vie quotidienne. Un homme qui a su tirer de son handicap une force certaine...

Barbara Romero

Vingt cyclistes, à l'arrière de tandems conduits par des voyants, ont parcouru l'Europe pendant une semaine pour récolter des fonds.

JE ME BATS car aujourd'hui je pourrais avoir une canne blanche.J'ai eu beaucoup de chance d'être traitée, confie-t-elle. Je ne l^'oublierai jamais, je voudrais aider mes amis et tous les aveugles qui n'ont pas eu cette chance », confie Francine. Atteinte d'une rétinopathie pigmentaire, cette blonde pétillante de 54 ans ne voit qu'avec des œillères. Elle serait devenue aveugle sans les soins que lui prodigue depuis dix ans le professeur José SAHEL, spécialiste mondialement connu en ophtalmologie.

Cette semaine, Francine enchaîne 825 kilomètres à bicyclette, en tandem, pour promouvoir la recherche sur la cécité dans l'attention. Gérard MULLER, président de l'association YVOIR, lui-même non-voyant, n'en est pas à sa première chevauchée en tandem. Il a monté l'équipe chargée de sensibiliser la population aux maladies rétiniennes en sillonnant la France, le Luxembourg et la Belgique. « En France, plus de 1,7 million de personnes sont concernées par la dégénérescence rétinienne ». Les DMLA (dégénérescences maculaires liées à l'âge) représentent la principale cause de cécité et affectent environ 10 % de la population de plus de 50 ans et 25 % des personnes de plus de 75 ans. En Europe, la malvoyance touche 30 millions de personnes.

Le peloton a donc accueilli des Allemands, Belges, Suisses et Français de 35 à 69 ans. Partis du Parlement Européen de Strasbourg mardi dernier, ils se sont arrêtés en chemin à Metz, Luxembourg, Namur, Bruxelles et Compiègne et pédalent en moyenne à 22,5 Km/h. L'opération est placée sous le haut patronage du Parlement Européen et parrainée par le Tour de France. L'équipe s'est arrêtée samedi à Saint-Quentin.

Au sixième jour de leur périple, l'enthousiasme des participants semblait intact malgré la fatigue. « Je sors de moi-même grâce au vélo », explique Dominique, un aveugle de 50 ans habitué du tandem. L'exercice n'est pas réservé aux débutants, car les chutes arrivent facilement sur cette double bicyclette si les coureurs manquent de coordination. En début de parcours, deux participants ont ainsi chuté dans un virage et le non-voyant du tandem s'est fracturé le bassin. Le docteur Serge Picaud, directeur de recherche à l'Inserm y participe aussi. Pour lui, le périple est « avant tout une leçon de vie. Il permet de montrer le courage de ces personnes qui se prennent en main, qui vont elles-mêmes récolter des fonds et qui font preuve d'une bonne humeur à toute épreuve ».

« Nous voulons aussi aider les gens à ne pas avoir peur des non-voyants et à décomplexer ces derniers, renchérit Gérard Muller. Neuf aveugles sur dix se sédentarisent et s'isolent par peur des autres. Nous sommes là pour leur dire : sortez de chez vous. Et gardez espoir: la recherche avance. »

Et encore quelques uns (cliquez sur les liens ci-dessous pour ouvrir les fichier texte)

vendredi 08 août 2008

En tandem de Bahia à Rio

Lui-même quasi aveugle, Gérard Muller, 58 ans, s'apprête à retourner pour la troisième fois dans une favela du Nord du Brésil pour y créer un centre de diagnostic des maladies ophtalmologiques. Avant de partir en tandem jusqu'à Rio, avec un sourd pour guide...

Barbara Romero